En pleine crise sanitaire, la route des vins d’Alsace est désespérément vide, les dégustations rares et pourtant essentielles.
Comment les vignerons peuvent-ils recréer du lien avec les consommateurs ? Quelles sont les bonnes pratiques à l’étranger ? La solution pourrait-elle passer par des offres oenotouristiques digitales ?
Les vignerons ne manquent pas d’idées en tout cas. Explorons les initiatives et les opportunités offertes par le digital avec Coralie Haller, Directrice de la Chaire Vin et Tourisme, et le retour d’expérience de Céline Metz, vigneronne à Blienschwiller (67), de Célia Langlois, de chez Bestheim.
L’œnotourisme – appelé aussi tourisme du vin – est apparu dans les années 1970 en France. Cette activité touristique est dédiée à la découverte du vin et du terroir.
Au-delà d’une activité de dégustation, c’est une expérience, un véritable moment de rencontre avec des passionnés : les vignerons et les propriétaires de domaine viticole. et les amateurs de vin.
En Alsace, c’est l’authenticité des villages et la beauté de la région qui motivent les touristes à la découverte des routes des vins d’Alsace.
En France, le secteur oenotouristique se renforce depuis plusieurs années avec notamment le label vignoble et découverte en 2009.
Tant pour l’augmentation de la fréquentation des régions viticoles françaises que pour la vente, les enjeux liés à l’économie oenotouristique sont importants avec une estimation de 5,2 milliards de chiffre d’affaires annuel selon Atout France (chiffres de 2018).
La crise du covid-19 a fortement impacté l’œnotourisme. Les différents acteurs du vin ont dû se montrer créatifs et inventer de nouvelles solutions pour pallier la baisse de fréquentation.
Pour Célia Langlois, responsable de la stratégie marketing et digital et développement de nouveaux produits chez Bestheim, un fort impact au niveau des ventes s’est fait ressentir.
Afin de remédier à cette situation, un service drive a été mis en place. Les clients ont pu réserver directement sur le site web des vins et champagnes, à venir chercher sur place.
Céline Hetz, vigneronne au domaine Hubert Metz, a aussi rapidement mis en place un service de livraison à domicile dans le Bas-Rhin,.
Cette période accélératrice a permis de nouvelles possibilités : dégustation virtuelle, développement de nouvelles stratégies et vidéos promotionnelles.
Nos trois invitées expliquent comment le secteur viticole a su s’adapter et trouver de nouvelles idées pour booster l’activité oenotouristique.
Céline Metz a su communiquer avec ingéniosité et utiliser les réseaux sociaux pour faire la promotion de son offre oenotouristique. La question était simple : « puisque les personnes ne peuvent plus venir sur place, comment les guider dans la cave d’une autre manière ? »
Avec l’aide de Coralie Haller, responsable du Master « International Wine Management and Tourism » et du Master « Management du tourisme » à Strasbourg, Céline a organisé une dégustation virtuelle avec les élèves de l’EM, à distance.
Suite à cette expérience, elle a décidé de proposer cette activité à ses clients particuliers.
Le principe est simple : les clients optent pour un coffret thématique de bouteilles de vin, puis choisissent un horaire de rendez-vous. Ce rendez-vous se réalise grâce aux outils : Zoom, Whatsapp ou Messenger. La dégustation virtuelle se déroule en direct pendant une heure.
« Cette dégustation s’offre aussi en cadeau, pour découvrir le domaine » indique Céline Metz.
Une deuxième offre a été créée afin de proposer aux clients professionnels des dégustations virtuelles afterwork. De cette manière, les employés en télétravail peuvent se retrouver et créer ainsi une cohésion d’entreprise.
« Si la partie digitale permet de remplacer l’expérience, le but du jeu reste d’attirer les clients au domaine. Le digital est un outil pour faire venir les clients et garder le lien avec les consommateurs. »
Célia Langlois, chez Bestheim, a aussi profité des réseaux sociaux pour garder le lien avec les clients et partager ses offres sur Facebook et Instagram. La newsletter a permis d’informer mensuellement les clients sur l’actualité de la cave.
Pour réserver en ligne l’offre oenotouristique, la maison s’est rapprochée du site Bonjour Alsace qui recense les dégustations de la région alsacienne.
Le digital a permis de faciliter la relation avec le client :
Consciente que la visite de la cave est importante pour l’œnotourisme, la cave Bestheim, se demande comment offrir une expérience, une histoire et partager ses valeurs aux clients, sans visite sur place.
Une méthode développée par un expert de la réalité virtuelle a permis de répondre à cette problématique. L’objectif est de faire vivre une expérience sensorielle ; hors du commun. « Raconter notre histoire à travers une expérience immersive, humaine et réelle ».
Le vin est un produit vivant, c’est pourquoi il était important de proposer une version immersive, sans image de synthèse.
Le moyen utilisé est un format vidéo en réalité virtuelle à 360°.
À l’image de Google Maps Street View, cette activité permet de suivre les différents acteurs de la cave. Les participants se retrouvent alors au cœur même de l’action, à travers un film de 7 minutes.
L’objectif étant toujours d’attirer les clients en boutique.
Basé sur une étude menée par la CHAIRE Vin et Tourisme (partenariat qui favorise la coopération entre les acteurs des filières vitivinicoles, touristiques et oenotouristiques et l’école de Management de Strasbourg) :
Néanmoins, il existe une accélération de la digitalisation du monde viticole. « C’est une obligation, aujourd’hui, on ne peut plus faire autrement. » nous explique Coralie Haller. L’offre est développée à la fois :
Ce ne sont plus les produits ou services qui sont mis en avant, mais bien les personnes. En effet, la clé d’entrée en œnotourisme n’est pas le vin ; c’est l’expérience, l’histoire et l’immersion.
C’est l’envie d’aller à la rencontre de vraies personnes, ceux qui travaillent la vigne et peuvent expliquer l’histoire du vin. C’est aller à la recherche du contact.
L’humain est remis au centre de la communication.
« Il ne s’agit pas de déguster une bouteille, mais bien d’aller à la rencontre du vigneron. »
En France et ailleurs dans le monde, de nombreux projets digitaux innovants ont vu le jour :
Cette initiative est portée par de jeunes diplômés lors du Challenge Empowering Champagne (premier hackathon du vignoble champenois). L’idée est de mettre en place un jeu sur smartphone afin de cultiver la vigne en permaculture pour découvrir l’œnotourisme responsable. L’objectif est d’aller en quête des vignerons pour montrer le produit différemment : travailler les vignes et le terroir.
La région de Napa Valley en Californie au nord de San Francisco est « précurseur en œnotourisme digital. » En effet, ce sont les premiers à avoir mis en place le « digi tasting ». Ils proposent notamment des visites virtuelles personnalisées, des dégustations de groupe en live sur Facebook (Happy Hour), ainsi que des rendez-vous hebdomadaires entre amateurs de bons vins.
Du côté de l’Australie près d’Adélaïde, la région viticole Riverland, propose une véritable destination oenotouristique virtuelle sous forme de vidéo teasing.
Leur volonté est de rendre visible la destination de toute la région viticole.
Pour Coralie Haller, cela se résume en deux mots : résilience et formation. D’une part, il convient d’être en capacité de désapprendre et de réapprendre. « Tenir compte de l’environnement dans lequel on est pour saisir les opportunités ». D’autre part, développer une offre oenotouristique est un art et nécessite une formation pour développer ses compétences.
Le digital reste au service de l’humain, il permet de garder et créer de nouveaux liens. Cet outil offre la possibilité d’explorer de nouvelles pistes afin de faire découvrir l’univers du vin aux consommateurs.
D’ailleurs, le salon digital des vins d’Alsace (du 7 au 9 juin 2021) lors de sa 5e édition a su se réinventer et proposer une version 100% virtuelle. L’occasion de montrer que le digital fait désormais pétiller l’œnotourisme !
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